« On doit y retourner ! James, on doit y retourner ! » hurla Vesper en faisant déjà un mouvement vers la voiture tandis que son meilleur ami l'interceptait sans douceur, le serrant contre lui. « James ! On doit y retourner ! » « On a des ordres, Vesper. Réfléchis, bordel ! « Allez vers le Sud » n'est pas assez clair pour toi ? » « C'est de ma sœur et de ma mère qu'on parle, fils de pute ! » hurla le blond en essayant non pas d'aller vers la Jeep mais de frapper son ami. Le coup de poing partit tout seul et vient briser le nez de l'autre qui grogne en le lâchant. Il chercha un support derrière lui mais tomba contre ladite voiture en se tenant le nez, poussant un grognement encore plus fort en sentant la douleur affluer. Vesper, quant à lui, se laissa aller contre le mur derrière lui, regarda son poing puis son ami avec horreur. Il avait envie d'aller voir si sa sœur allait bien. Si sa mère allait bien. Si sa famille allait bien. Il devait savoir. Mais les ordres... Sauver deux personnes contre en sauver mille. Sauver sa famille contre en sauver des centaines. Il se carapata sur lui-même, prit sa tête entre ses mains en posant ses coudes sur ses genoux. James ne bougea pas un long moment en le regardant avant de se lever et de poser une main sur son épaule. « On ne peut pas rester ici, Vesper. Nous devons y aller. Dans le Sud. » Au début, le blond ne bougea pas. Puis, lentement, sûrement, il se leva. Ivre de souffrance, il se laissa aller contre l'épaule de son ami qui le serra , hésitant, contre lui. « On doit y aller, colonel Locksley. Allez. » Seul le silence lui répondit, pendant cinq longues minutes, avant que Vesper ouvre lentement la bouche. « Elle sait que je suis venu ici. Donne moi un papier. » dit-il faiblement. « J'en ai pas. » Vesper grogna en entrant dans la voiture, ouvrant la boîte à gants, prenant le stylo bic qu'il y avait dedans. Arrachant un morceau de sa chemise blanche, il écrivit rapidement dessus avant de la coincer dans l'embrasure de la porte de la maison de son ami. « Tu sais que... » « Ta gueule. On se tire. » Il entra dans la voiture, s'allongea sur la banquette arrière en silence et ne dit plus un mot pour une semaine au moins.

« Je peux pas faire ça. James, franchement. Tu peux pas me demander de faire ça. » « Je t'en prie, Vesper. N'importe quoi mais pas... pas ça. Tu peux pas me laisser devenir ça. Comme eux. Je peux pas. » A la grande surprise de Vesper, il vit deux larmes poindre aux yeux de son meilleur ami. James était un dur. Honnêtement, il était même le gars le plus dur que Vesper n'ait jamais rencontré. Et le voir pleurer... Il serra les dents en sentant lui-même la tristesse le prendre de court. Mais Vesper était encore plus dur que James. Et Vesper ne pleurait pas. « Je peux pas. » « Tu le dois ! » « Tu dis ça comme si c'était une chose simple ! T'as qu'à le faire toi-même ! » Ce disant, le blond retourna, apparemment irrité, la crosse de l'arme vers son meilleur ami qui baissa les yeux. « Le suicide est un péché. Je veux reposer auprès de Lui. » Vesper grinça encore plus des dents. Dans les yeux de son ami de toujours, une lueur, non, une flamme qui l’insupportait. La foi. « Tu crois que y'a vraiment un dieu là tout de suite maintenant ? Au milieu d'une putain d'apocalypse zombie ? Tu penses sérieusement qu'il est encore là-haut à nous regarder et à nous soutenir ? » Il regarda une dernière fois les yeux vert déterminés de James. Ils brillaient. Ils savaient qu'ils allaient finir avec ce « Lui », qu'ils ne craignaient rien. Vesper aurait bien aimé être aussi crédule. « Il n'est pas là-haut. Il est là. » Doucement, la main du jeune homme se posa à l'emplacement du cœur de Vesper. « Fais le, Vesper. » « Je peux pas je-- » « Vesper. » Faith leads us to terrible things pensa Vesper en finissant par se résoudre à enclencher la gachette de l'arme. Son compagnon de toujours ferma les yeux en joignant les mains devant lui, ses lèvres articulant quelques paroles muettes à quelque Dieu inexistant. « Amen. » murmura-t-il finalement et Vesper tira.

Une main se posa sur son épaule, le tirant instantanément hors des bras de Morphée. Ses yeux s'écarquillant et ses membres se tendant d'un coup, Vesper n'eut aucun mal à remonter le long du corps de son attaquant et de l'attirer contre lui, finissant par l'étranger avec son avant-bras sans douceur. Un zombie n'aurait jamais fait ça. Un zombie l’aurait juste bouffé sur place. Ainsi... « Lâ-lâchez moi... » Vesper s'exécuta mais, en se détachant, décrocha le cran d'arrêt qu'il avait à la ceinture et l'ouvrit d'un mouvement habitué. Son vis-à-vis était un parfait inconnu, brun aux yeux clairs et air paumé, qui regardait sa lame avec un mélange de fascination et de peur. « Je vais pas vous attaquer, vous savez ? » Vesper ne répondit pas, se contentant de froncer les sourcils tandis que l'autre perdait trois nuances de couleur, semblant comprendre que ses secondes étaient comptées. « Je veux pas vous faire du mal, sérieusement, juste... vous avez de quoi manger ? » « Oui ». Mais il ne fit aucun mouvement pour lui en donner. « Et vous accepteriez de partager avec moi ? Entre survivants, on doit bien se serrer les coudes, non ? » Un silence lui répondit. Puis, finalement, Vesper se mit lentement en mouvement, farfouilla dans son sac un instant avant de jeter sur les genoux du brun une conserve de poisson. Finalement, après une long nuit de discussions et de doutes, Vesper consentit à prendre la route avec lui. Et ils roulèrent, roulèrent, roulèrent. « Et tu faisais quoi, avant ? » Le blond jeta un coup d'oeil à l'autre – son nom était Simon – par le rétroviseur. « L'armée. Toi ? » Oh, que non. Depuis la mort sous ses yeux – et de sa main – de son meilleur ami ainsi que son exil et sa misanthropie forcés, Vesper s'était plus que renfermé sur lui-même et la simple idée d'une interaction avec d'autres gens le laissait perplexe. Et maintenant, avoir une petite pile électrique brune pleine de répondant H24 collée aux basques... oui, ça le changeait énormément. Mais tout de même, après les semaines qu'ils avaient passé ensemble, Vesper avait su apprécier Simon. Oui parce qu'aux heures s'étaient succédés les jours et aux jours, les semaines. Apparemment, Simon avait entendu parler très vaguement d'un repère de survivant dans le Sud. Alors ils allaient dans le Sud. « Je bidouillais les ordinateurs, tout ça. Je voulais créer des jeux vidéos. » Un petit silence s'installa. « Tu jouais à des jeux de guerre, pas vrai ? » « Ouais. » Un autre silence durant lequel Simon se cala contre la vitre côté passager en soupirant tandis que l'ancien colonel gardait les yeux rivés sur la route, à la recherche d'une trace de vie humaine. « T'as déjà tué quelqu'un ? Pas un zombie, je veux dire. » Autre silence. « Oui. » « C'est différent ? » « J'ai jamais tué quelqu'un avec une batte de baseball, Simon. » Le jeune crack de l'informatique rougit en dardant son regard sur la route, sentant bien l'irritation dans le ton de la voix de son camarade et ne préférant pas insister.

Ses lèvres s'écrasèrent presque avec violence sur les siennes, son corps se pressant d'un coup contre le sien la surprenant mais pas si désagréablement. Ca faisait... ça faisait trop longtemps qu'elle attendait cela de la part de Vesper. Si longtemps qu'elle le couvait des yeux alors que lui semblait l'ignorer ; si longtemps qu'elle se figurait avoir toutes ses chances alors que lui ne voyait qu'une seule personne. Elle glisse ses bras autour de son cou sans hésiter une seule seconde, répondant à son baiser dans la foulée en se serrant contre lui. Et d'elle de se perdre dans ses bras, et lui d'y rester uniquement le strict minimum, ayant senti le regard d'une intruse leur glisser dessus durant leur nuit d'amour entre guillemets/crochets/parenthèses. Il savait qu'elle savait. Se détachant sans regret du corps encore endormi de Dany-Lee, il enfila t-shirt, caleçon et pantalon avant de prendre ses chaussures à la main en épousant du regard la cambrure du dos de la brune, à mi-chemin entre l'air songeur et méprisant. Elle s'était faite avoir si facilement... Il soupira en sortant à pas de loup de la chambre, descendant rapidement les escaliers jusqu'au rez-de-chaussée où il ne prit même pas la peine de laisser un mot sur le réfrigérateur à l'attention de la jeune femme. Non, à la place, il sortit carrément de la maison, enfila ses chaussures, sortit une clope de sa poche et l'alluma. And i don't know what to do because i'll never be with you.