Une soirée entre fille c’était plus facile à dire qu’à faire. Il fallait dire que l’on vivait à plusieurs dans ces maisons, et que c’était mixte. Mais j’avais eu la chance d’y retrouver une amie que je connaissais depuis le lycée : Jenna. On s’était rencontrée autour d’une piscine lors d’un voyage scolaire, et le courant était tout de suite bien passé entre nous. Une heure plus tard, on avait surpris les autres en affirmant que l’on venait à peine de se rencontrer. Mais ce n’était pas la seule personne que je connaissais de ma vie d’avant, mais disons que c’était la plus proche de mon ancien univers, avant tout ça. Avant cette putain de merde.

J’avais encore bon espoir que l’on pourrait s’en sortir, qu’il y aurait du mieux plus tard, mais ce n’était pas l’avis de tout le monde… Je venais justement de croiser Frederick. Vous voyez l’image du vieux professeur fou habillé comme un clodo et se déplaçant toujours avec une liasse de papiers qu’il vous mettrait sous le nez en affirmant que la fin du monde était arrivée, que nous allions bientôt mourir de toute façon. La première fois, je lui avais dit qu’il écrivait mal, sans parvenir à être impartial… une qualité pour un journaliste, mais il n’en était pas un. Depuis, on s’affrontait en joutes verbales et j’avais toujours envie de l’étrangler, ou de lui crier d’aller crever dehors si ça ne servait plus à rien de vivre après tout. Bon, j’avoue, je lui avais déjà dit. Mais il était tellement agaçant ! Peut-être qu’il me manquerait dans ma routine s’il venait à disparaître. Je dis bien peut-être, parce cela pourrait tout aussi bien me faire des vacances.

Ainsi, je pénétrai à l’intérieur de la maison, sachant pertinemment que Jenna s’y trouverait puisque nous avions prévu de passer la soirée ensemble, comme au bon vieux temps disons, à ceci près que l’hôtel luxueux s’était transformé en maison miteuse, rafistolée et entretenue par une bande de survivants. Une bande de… En vérité, on s’entendait assez bien, du moins on ne s’entretuait pas, et c’était déjà un bon point pour des colocataires, et puis de toute manière, je me sentais en sécurité avec Shane, à vivre dans la même maison. Lui… je le connaissais depuis presque le début de l’épidémie, il m’avait plus ou moins sauvé la vie. Il m’avait permis de survivre plus longtemps que si j’avais été seule. Mais j’imagine que c’était le cas de tous ceux vivant à Brazoria. Seul… au milieu de zombies affamés, on avait très peu de chances.

Enfin, là n’était pas la question, car à cette seconde, j’ai réalisé que la maison était tout simplement vide. Jenna ne devrait pas tarder, et les autres… je l’ignorais. Dans un sens, cela nous laisserait peut-être du temps ensemble, juste toutes les deux, sans commentaires ou de colocataires trop curieux. C’était appréciable de ne pas avoir à aller s’enfermer dans une chambre de toute façon. Me plaçant aux fourneaux, j’ai commencé à préparer un petit truc à manger, en attendant qu’elle arrive. Ce n’était pas de la grande gastronomie, mais vu la situation, il était plutôt difficile de faire mieux de toute façon. Lorsque j’entendis la porte, j’ai porté instinctivement la main à mon arme… c’était devenu une habitude. Le moindre bruit me mettait sur les nerfs, je peinais à me détendre et cela me dévorait de l’intérieur… Mais j’imaginais que c’était normal, vu la situation. Lorsque j’entrevis le visage familier qui s’encadra à la porte de la cuisine, j’ai senti les muscles que je n’avais pas senti se tendre, se détendre naturellement, mes doigts revenant s’occuper de la cuisine.

« Je crois bien qu’on a la maison pour nous ce soir, ou alors ils vont débarquer tous ensemble et on ne va rien comprendre, tu verras. Ca va ? » demandais-je en lui adressant un léger sourire. C'était un visage familier, une amie.